mercredi 26 septembre 2012

Pluralisme culturel et exclusivismes religieux.

Solutions ou impasses ?





En fait, ni un ni l’autre! Gabriel Vahanian s’en explique dans Hommage au séculier (ndlr: 1, et le compte-rendu  par David L. Miller) paru il y a quatre ans.
Né à Marseille le 24 janvier 1927 de parents réfugiés en France au début des années 20 après avoir fui les campagnes d’épuration ethnique menées dans les régions de la Turquie où vivaient les Arméniens, Gabriel Vahanian décédait le 30 août dernier à son domicile de Strasbourg. Il a été professeur au département de religion de l’Université de Syracuse dans l’État de New York de 1958 à 1984, puis à la faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg où il a succédé à Roger Mehl comme professeur de théologie. Depuis 1995, il était professeur émérite.

Représentant le plus important du mouvement des théologies dites de la «mort de Dieu» au début des années 60 avec le livre La mort de dieu. La culture de notre ère post-chrétienne, Vahanian a été aussi le critique le plus radical de ce mouvement, notamment avec le livre La condition de Dieu. Pour lui, le christianisme, loin d’être trahi par l’Occident, est menacé et donc mis au défi par son propre succès sur le plan culturel. Vahanian jetait ainsi les bases de sa réputation internationale en tant que penseur de la culture.

Culture et foi – Le langage

 

Dans les décennies qui suivirent, Vahanian a continué à enseigner, à écrire et à publier des livres comme Dieu et l’utopie: L’Église et la technique; Dieu anonyme ou la peur des mots; L’utopie chrétienne; La foi, une fois pour toutes; Tillich et le nouveau paradigme religieux; et en 2008, Hommage au séculier.
Des personnalités religieuses conservatrices ont l’habitude de prévenir contre les dangers de la sécularisation, tout comme certains promoteurs de l’État moderne dénoncent les tendances théocratiques de la religion. De part et d’autre, on suppose que sacré et sécularité s’opposent radicalement.

Mais le problème réside ailleurs selon Vahanian. À lumière de la notion biblique de sainteté de Dieu, il revendique une sécularité qui relie étroitement la philosophie, l’histoire, et la théologie de manière inédite. Loin de s’opposer à la sécularité, la foi trouve son accomplissement dans le monde séculier: car comprendre la parole faite chair et comprendre Dieu en tant que parole, c’est se rendre compte que cette parole exige de devenir monde.

Pour Vahanian, le langage est le milieu du divin et de l’humain qui sont livrés aux mots qui masquent autant qu’ils révèlent et qui sont des sources mais peuvent aussi devenir des tombeaux dont il faut rouler la pierre. 

Un défi : la technique

 

 Vahanian avoue sa stupéfaction devant le fait qu’on refuse encore et toujours de reconnaître que la technique est un défi; un défi qui ne s’adresse à nul autre qu’à l’être humain et qui, en dernière instance, ne remet absolument rien en question, si ce n’est l’être humain lui-même dans son for intérieur bien plus encore que dans son environnement. Cela, même si la technique amène aussi pour Vahanian une prise de conscience sans précédent de la précarité de l’environnement et du respect qu’on lui doit ainsi qu’à la vie.
 De l’illusion technicienne à l’utopie meurtrière, en passant par le cauchemar climatisé ou par Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, ou simplement par En attendant Godot de Samuel Beckett, rares sont les auteurs qui, du Jardin d’Éden au célèbre roman 1984 de George Orwell, ont su voir dans la technique l’enjeu du siècle. Or pour Vahanian, l’être humain est plus qu’un souvenir de l’humain, puisqu’il en est l’attente. Et plus cette attente est forte, plus profonde est la crise. 

Une sécularité à redécouvrir


Vahanian a redonné vigueur à la sécularité contre les revendications fondamentalistes qui absolutisent le relatif, et contre cette sorte particulière d’athéisme qui relativise l’absolu et qu’il appelle le sécularisme. Pour lui, Dieu n’est pas sans le monde, mais le monde n’est pas Dieu. De même, dans le Jardin d’Éden, il n’y a pas d’espace réservé au sacré, et il n’y a pas de temple non plus dans la Jérusalem nouvelle.

Gabriel Vahanian avait de l’élégance, c’est-à-dire essentiellement trois choses : une bonne dose de modestie, un courage certain, et une grande attention aux autres. De lui on peut affirmer ce qu’il aimait dire de Rudolf Bultmann : «un maître à la fois grand par l’esprit et humble par le cœur». Toucher, sans avoir à surprendre, encore moins à choquer! Un des penseurs les plus originaux et les plus radicaux des dernières décennies, Gabriel Vahanian a toujours exigé de ses nombreux disciples et amis non pas qu’ils souscrivent béatement à ses intuitions, mais qu’ils les prolongent à la mesure sans mesure des attentes d’aujourd’hui.

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